jeudi 13 novembre 2014

[NANTES] manifestation contre la répression le 22 novembre


Aux syndicats, associations, collectifs de luttes :
Ensemble, contre la répression et les violences policières

Dans un contexte très préoccupant pour les libertés publiques nous vous proposons de diffuser cette information et d'être présents lors de cette initiative du 22 novembre 2014, 14h, devant le tribunal de Nantes ( voir ci dessous et en pièce attachée la lettre d'auto-dénonciation qui peut être envoyée jusqu'au 22/11 ).
Les courriers signés (faites signer autour de vous !) seront communiqués au Procureur de la République .

        Par cette lettre, nous tenons à vous alerter sur la répression toujours plus grande que nous subissons lors de nos luttes. Le 22 février dernier, lors de la manifestation contre le projet d'aéroport, un impressionnant dispositif de police interdisait le passage sur le parcours qui avait été annoncé. Il s'agissait pourtant du parcours traditionnel des manifestations à Nantes, la traversée du cours des 50 otages. Il s'agissait également d'une manifestation d'ampleur avec quelques 40 000 manifestant-e-s.

        Cette manifestation survenait dans un contexte tendu, où depuis des années le mouvement anti-aéroport gagne en force sans que l'État ne bouge d'un pouce dans sa volonté d'imposer le projet. Au cours de la manifestation, un local de Vinci a été saccagé et des engins de chantier détruits. Quelques projectiles sont venus s'écraser sur les grilles anti-émeutes et sur les boucliers des CRS. Pour nous, cela ne justifie pas que ces derniers aspergent l'ensemble de la manifestation de gaz lacrymogène. Cela ne justifie pas non plus les tirs de flash-ball qui ont fait perdre un œil à trois personnes.

        Suite à la manifestation, l'État s'est acharné à trouver des coupables. Non pas au sein des forces de l'ordre qui ont mutilé des manifestant-e-s, mais au contraire parmi ces dernier-e-s. Pour contrer l'individualisation de la répression d'une manifestation que nous assumons collectivement, nous proposons à tou-te-s celles et ceux qui souhaitent se solidariser avec cette manifestation d'écrire des lettres d'auto-dénonciation que nous allons remettre au procureur le 22 novembre au cours d'une nouvelle manifestation.

        Entre temps, les gendarmes ont tué Rémi Fraisse au cours d'une manifestation dans le Tarn. Nous avons donc élargi la manifestation du 22 novembre, pour en faire une manifestation contre les violences policières.

        Nous pensons que chaque syndicaliste doit se soucier des rapports de force qui permet à l'État de réprimer les mouvements sociaux. La mort de Rémi Fraisse n'est pas un accident. Elle est le résultat logique de l'utilisation massive de la force pour mater les manifestations. Accepter cet état de fait, c'est se condamner à toujours plus d'impuissance dans nos luttes et laisser à l'État une plus grande marge de manœuvre pour contrôler et décourager les mouvements sociaux.

        Au delà des manifestations, nous tenons aussi à dénoncer l'utilisation de la violence d'État . Chaque année la police est responsable de nombreux meurtres, notamment quand il s'agit d'imposer l'ordre dans les quartiers populaires, de protéger la propriété privée ou de contrôler les frontières.

        Nous vous appelons à relayer cet appel auprès de vos adhérent-e-s, et à venir nombreux et nombreuses le 22 novembre.


Samedi 22 novembre, manifestation contre les violences policières,
14h sur le parvis du palais d'INjustice de Nantes



Le collectif d'organisation de la manif,
composé des membres de différents comités locaux contre le projet d'aéroport,
de collectifs anti-répression et de membres de différentes associations.


En pièce jointe une lettre d'auto-dénonciation volontaire à envoyer au Procureur



samedi 1 novembre 2014

Propos sur la violence policière




Mathieu Rigouste : « La mort de Rémi n'est pas une bavure, c'est un meurtre d'Etat »



Mathieu Rigouste, militant, chercheur en sciences sociales, travaille à disloquer les mécanismes de domination. Dans La Domination policière (2013), il avance que « la violence policière est rationnellement produite et régulée par l'Etat ». Selon lui, les zadistes du Testet sont face à une « contre-insurrection policière », qui peut dériver en « guerre de basse intensité ». Il distille une lecture iconoclaste des événements qui ont conduit à la mort de Rémi Fraisse. Entretien.


 
Aparté.com : Place du Capitole, lors du premier hommage à Rémi Fraisse, on lisait « la police assassine » sur une banderole. Comment caractérisez-vous la mort de Rémi Fraisse ?

Mathieu Rigouste : Cette banderole disait « Zied et Bouna (27 oct 2005), Timothée Lake (17 oct 2014), Rémi Fraisse (26 oct 2014), RIP, La police assassine, Ni oubli ni pardon !». Parce que ce 27 octobre, c'était l'anniversaire de la mort de Zied et Bouna à Clichy-sous-Bois en fuyant la police, qui déclencha la grande révolte des quartiers populaires de 2005. Parce qu'une semaine avant le meurtre de Rémi, le 17 octobre, c'est Thimothée Lake qui a été tué par la BAC à St-Cyprien (Toulouse), dans une supérette et dans l'indifférence quasi-générale.

« La police distribue la férocité des classes dominantes »

C'était exactement 53 ans après le massacre policier du 17 octobre 1961, durant lequel la police parisienne tua plusieurs dizaines d'Algériens en lutte pour la libération de leur peuple. La propagande de l'Etat et des médias dominants produisent une histoire « nationale » et officielle qui permet de légitimer le fonctionnement de cette violence industrielle.

Dans le cas de Rémi, La Dépêche du midi a ouvert le bal des mythomanes en publiant cette histoire de corps retrouvé dans la forêt, laissant planer l'idée que la police n'avait rien à voir là-dedans, voire même qu'elle l'avait recueilli. Mais nous pouvons démontrer collectivement, par la contre-enquête populaire et des contre-médias auto-organisés que la police assassine régulièrement, que sa violence est systémique, systématique et portée par des structures politiques, économiques et sociales. La police distribue la férocité des classes dominantes.


La mort de Rémi constitue-t-elle un événement isolé, ou trahit-elle une logique plus générale de la violence policière ?

Il faut replacer le meurtre de Rémi dans une histoire longue où la police apparaît très clairement pour ce qu'elle est : un appareil d'Etat chargé de maintenir l'ordre économique, politique et social (capitaliste, raciste et patriarcal) par l'usage de la violence.

« Face aux ZAD, les polices occidentales expérimentent de nouveaux dispositifs de contre-insurrection »

La police sait reconnaître ses maîtres, et distribue différents degrés et formes de violence selon la classe, la race et le genre des personnes qu'elle contrôle. Elle a ainsi toujours brutalisé, mutilé et tué certaines parties de la « population » de la ville capitaliste (misérables, marginaux, prostituées…). Elle entretient, dans toutes les puissances impérialistes, un rapport particulier avec les quartiers et les classes populaires les plus pauvres, avec les parties du prolétariat les plus ségréguées et les plus exploitées, généralement issues de l'immigration et de la colonisation. Elle est chargée de dominer, bannir et soumettre les couches sociales qui auraient le plus intérêt à se débarrasser de ce système parce qu'elles en bénéficient le moins.

« La police tue entre 10 et 15 habitants des quartiers populaires par an en moyenne »

La police tue ainsi entre 10 et 15 habitants des quartiers populaires par an en moyenne. Avec la prison et le système de harcèlement et d'occupation policière de la rue, il s'agit d'une véritable entreprise de « nettoyage social » et d'écrasement de toutes formes d'autonomie populaire.

Parallèlement, depuis le début du XXe siècle, la gestion policière des « mouvements sociaux » avait tendance à réduire au maximum les risques de tuer les strates supérieures des classes populaires, les aristocraties ouvrières, les classes moyennes  et les petites-bourgeoisies précarisées et radicalisées.

Le meurtre policier de « militants » reste jusqu'aujourd'hui exceptionnel face à l'industrie des meurtres policiers des non-blancs pauvres. Mais les figures de Carlos Giuliani tué par la police à Gênes en 2001 et d'Alexis Grigoropoulos, tué à Athènes en 2008, montrent que l'assassinat policier de « militants » tend à se développer à mesure que la restructuration néolibérale et sécuritaire du capitalisme opère.

Comme tous les crimes policiers dans les quartiers, le meurtre de Rémi n'est pas une « bavure », pas un dysfonctionnement, mais bien le produit de mécaniques instituées, de formations rationnelles, de tactiques et de stratégies légitimées et justifiées du haut de l'appareil d'Etat jusque dans les gestes des exécutants policiers, c'est un meurtre d'Etat, prémédité par la mise en oeuvre des structures qui l'ont rendu possible, un assassinat.


Au Testet, CRS et gendarmes sont quasi-omniprésents. Comment comprenez-vous le rôle de la police sur le site du barrage de Sivens ?

La police applique des tactiques et des stratégies établies à l'intersection des pouvoirs politiques, économiques et sociaux. Tant que les industriels et les gouvernants qui investissent dans ce projet de barrage considèrent que « ça vaut le coût » de continuer, malgré la diversification et la montée en puissance des résistances collectives, la police augmente l'intensité répressive.

« Les polices occidentales sont capables de passer instantanément de la répression policière à la guerre de basse intensité »

Face aux ZAD et à leurs formes de reterritorialisations des luttes urbaines et rurales,, les polices occidentales expérimentent aussi de nouveaux dispositifs de contre-insurrection hybrides et modulables, c'est-à-dire où la dimension militaro-policière du quadrillage, de l'enfermement et de la provocation est centrée sur un théâtre d'opération rural et forestier mais est aussi capable de passer rapidement voire simultanément en mode « Azur » (action en zone urbaine). Capable de passer instantanément du « maintien de l'ordre » au « contrôle des foules », de la répression policière à la guerre de basse intensité.

C'est l'occasion d'expérimenter ces dispositifs mais aussi de les mettre « en valeur » médiatiquement, c'est-à-dire de faire d'une expérience de répression, la vitrine d'une « excellence » du « savoir-faire français » en direction du marché international de la sécurité et du maintien de l'ordre. L'hybridité des doctrines, des matériels et des personnels constitue une valeur ajoutée très forte sur le marché de la défense et de la sécurité.

« Au Testet comme dans les quartiers populaires, la police est chargée de soumettre tout ce qui résiste »

La contre-insurrection repose aussi sur des méthodes d'action psychologique, parmi lesquelles des protocoles visant à diviser les résistances en désignant des « ennemis intérieurs » dont il faudrait se méfier voire purger. En l'occurrence, la figure des « casseurs » et des « violents » (« le braqueur furieux » dans le cas de Timothée Lake) permet de diaboliser les actions directes non conventionnelles, de masquer la violence structurelle du pouvoir et de promouvoir face à cela des mobilisations inoffensives et facilement gérables.

Les doctrines de contre-insurrection appellent ce mécanisme « schismo-genèse » : développer un schisme, une séparation dans la « population » résistante. Cette forme d'« action psychologique » rénovée repose sur l'existence de caisses de résonance pour cette propagande dans les médias dominants et parmi les appareils politiques et syndicaux supplétifs.

Au Testet comme dans les quartiers populaires, la police est chargée de soumettre tout ce qui résiste à l'expansion du système impérialiste. Elle doit balayer tout ce qui gène le mouvement de conquêtes ainsi que les programmes de déplacements et de dépossession des territoires et de leurs habitant.e.s, que le capitalisme met en oeuvre pour se restructurer.

Propos recueillis par Paul Conge