mercredi 7 décembre 2016

HALTE à la répression à Poitiers comme ailleurs !




HALTE À LA RÉPRESSION À POITIERS COMME AILLEURS !

Dans le cadre de la mobilisation contre la loi travail qui s'est déployée partout en France de mars à juin, l'intersyndicale de Poitiers CGT-FO-FSU-Solidaires-CNT-UNEF-SGL avait appelé le 19 mai à une manifestation jusqu'à la gare, et décidé de mener une action d'occupation des voies ferrées. Cette action a été réalisée avec succès par plusieurs centaines de personnes pendant près de deux heures, et elle s'est déroulée jusqu'à la fin dans le calme et sans aucune dégradation, selon les modalités décidées par l'intersyndicale 86. Puis la manifestation a repris son cours jusqu'au parvis de la gare de Poitiers, où elle s'est dispersée.

Or onze personnes ont ensuite été convoquées au commissariat de police le 28 juin, dans le cadre d'une enquête sur « des faits d'entrave à la mise en marche ou circulation d'un véhicule de chemin de fer et autres ». Le choix de ces onze personnes semble correspondre à un ciblage politique, puisqu'elles sont en général désignées comme appartenant aux milieux anticapitalistes et libertaires – milieux stigmatisés par les pouvoirs publics poitevins depuis les événements d'octobre 2009 à Poitiers. Ce ciblage va donc dans le sens de ce que veut la préfecture ; celle-ci a en effet prétendu dans la presse, juste après la manifestation du 19 mai, que des « éléments ultragauche violents » étaient réapparus à cette occasion – sans pouvoir bien sûr apporter la moindre preuve de ses dires, notamment concernant la violence... et pour cause : Poitiers n'en a connu aucune lors du mouvement contre la loi travail. Enfin, l'appartenance de deux des convoqué-e-s à l'union syndicale Solidaires 86 montre que les pouvoirs publics veulent faire un exemple en s'attaquant à des militants syndicalistes très actifs dans les luttes actuelles et passées. Comme partout ailleurs en France, où des centaines de personnes ayant participé à la mobilisation contre la loi travail sont en butte à un harcèlement de la justice, après celui de la police.

Aujourd'hui, il ne reste plus qu'une seule personne, sur les onze qui ont été convoquées fin juin, à ne pas avoir subi  une garde à vue – avec désormais comme chefs d'inculpation non seulement l'entrave à la circulation des trains, mais la mise en danger que celle-ci serait censée avoir représenté le 19 mai, ainsi que le refus des « relevés signalétiques » (photos, empreintes, prélèvement d'ADN) – soit des délits passibles de plusieurs milliers d'euros d'amendes et de plusieurs années de prison.

Alors, plus que jamais, restons déterminé-e-s, uni-e-s et mobilisé-e-s face à la criminalisation des mouvements sociaux et à la répression, en exprimant notre soutien aux militant-e-s convoqué-e-s ! Exigeons l'arrêt de toutes les poursuites à leur encontre, et dénonçons toute pénalisation des mouvements sociaux ainsi que toute tentative d'intimidation faite à l'encontre de personnes mobilisées contre la politique antisociale du gouvernement !


jeudi 1 décembre 2016

à Nantes, l’État condamné pour un tir de LBD 40




Communiqué de presse : à Nantes, l'État condamné pour un tir de LBD 40


Nantes, le 30 novembre 2016


Le 27 novembre 2007, j'étais très gravement blessé à l'œil par un tir de Lanceur de Balles de Défense – LBD 40 – lors d'une manifestation lycéenne, à l'age de 16 ans. Cela fait 9 ans, presque jour pour jour, que je me bat pour faire reconnaître la dangerosité de cette arme, et que je lutte contre l'impunité policière. 9 ans durant lesquelles les mutilations causées par les armes de la police se sont multipliées. Nous recensons aujourd'hui 44 personnes ayant perdu l'usage d'un œil après avoir été atteintes par des balles en caoutchouc, dont 5 blessés graves à Nantes. Le jugement du Tribunal Administratif de Nantes vient d'être rendu. On peut en retenir trois éléments importants :

1- L'État est condamné et la dangerosité du LBD40 est reconnue par la justice. C'est l'information la plus importante pour aujourd'hui. Lors de l'audience rapporteur public avait très précisément dénoncé le caractère expérimental du LBD 40 le 27 novembre 2007, ainsi que son extrême dangerosité susceptible d'engendrer des mutilations. Les juges ont confirmé cette analyse.

2- En revanche, les juges de Nantes ont décidé de ne pas suivre le rapporteur public en opérant un partage de responsabilité à 50%, comme si les blessés et ceux qui leur ont tiré dessus étaient également responsables de leurs préjudices. C'est la deuxième fois en deux semaines que les juges administratifs de Nantes désavouent le rapporteur public – ce qui, en temps normal, est rarissime. La première fois sur le sujet de l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes et aujourd'hui sur la question des armes de la police. Deux sujets regardés avec attention par le pouvoir politique. Concrètement, dans leur jugement, les juges inventent un délit de « non désolidarisation d'une manifestation » en ces termes :

« en admettant même que M. Douillard n'ait pas lui- même lancé des projectiles, il résulte de l'instruction qu'il ne s'est pas désolidarisé de l'attroupement [...] alors qu'il aurait dû s'éloigner ; que, dans ces conditions, M. Douillard doit être regardé comme ayant commis une faute à l'origine de son préjudice susceptible d'exonérer partiellement l'Etat de sa responsabilité. »

Il ne s'agit plus de droit mais bien d'une présomption de culpabilité des victimes de violences policières, et de fait, d'une remise en cause extrêmement préoccupante du droit de manifester.

3- Les réparations sont évidemment dérisoires. En 2012, le préfet de Nantes, par courrier confidentiel, me proposait près de 100 000 euros contre un abandon de toutes les poursuites engagées. J'ai refusé cet arrangement, et choisi d'aller au bout des procédures entamées en justice, pour mettre en lumière la dangerosité du LBD40. Aujourd'hui, c'est finalement une somme bien inférieure qui est proposée par le Tribunal Administratif. Dans tous les cas, aucune somme d'argent ne remplace la perte d'un œil. Nous sommes à présent des dizaines de personnes en France à vivre avec des séquelles permanentes causées par la police, à subir ce préjudice jour après jour.

Ce jugement du TA de Nantes tombe dans une période particulière, où la mairie de Nantes a décidé à son tour de doter sa police municipale de Lanceurs de Balles de Défense. Un choix extrêmement grave qui confirme le processus de militarisation de la police et l'escalade sécuritaire observés ces dernières années, au niveau national et local.


Pierre Douillard-Lefevre, avec le soutien de l'Assemblée des blessés 44



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